J'étais triste d'apprendre lundi la mort de Rose Laurens, ce billet est ma façon de lui rendre hommage. J'ai toujours eu un faible pour son 'Africa', l'énergie un peu mélancolique que ce morceau dégage.
'Je suis amoureuse d'une terre sauvage
Un sorcier vaudou m'a peint le visage
Son gris-gris me suit au son des tam-tams
Parfum de magie sur ma peau blanche de femme.'
Les paroles de cette chanson, ce n'est peut-être pas du Conrad ou du Baudelaire, mais j'aime bien quand même.
Et puis, pour ceux qui, comme moi, avaient une petite dizaine d'années au début des années 80 - au temps des radios FM - c'était difficile d'échapper à ce tube. Dix, vingt, trente radios et, à une certaine époque, sur trois ou quatre fréquences en même temps la chanson de Rose Laurens.
'Je danse pied nus sous un soleil rouge
Les dieux à genoux ont le cœur qui bouge
Le feu de mon corps devient un rebelle
Le cri des gourous a déchiré le ciel .'
Je vous recommande particulièrement la version que vient d'enregistrer, sous forme de battle, Julien Doré accompagné de Dick Rivers.
Pour en revenir à notre sujet, l'Afrique de Rose Laurens me renvoie forcément à celle de Joseph Conrad.
A 'Un avant-poste du progrès' peut-être.
Mais surtout à 'Heart of darkness'.
Un court roman, mais une oeuvre majeure.
Il faudra en reparler.
Le coeur des ténèbres |
'Remonter le fleuve, c’était se reporter, pour ainsi dire, aux premiers âges du monde, alors que la végétation débordait sur la terre et que les grands arbres étaient rois. Un fleuve désert, un grand silence, une forêt impénétrable. L’air était chaud, épais, lourd, indolent. Il n’y avait aucune joie dans l’éclat du soleil. Désertes, les longues étendues d’eau se perdant dans la brume des fonds trop ombragés. Sur des bancs de sable argentés des hippopotames et des crocodiles se chauffaient au soleil côte-à-côte. Le fleuve élargi coulait au travers d’une cohue d’îles boisées, on y perdait son chemin comme on eût fait dans un désert et tout le jour, en essayant de trouver le chenal, on se butait à des hauts fonds, si bien qu’on finissait par se croire ensorcelé, détaché désormais de tout ce qu’on avait connu autrefois, quelque part, bien loin, dans une autre existence peut-être.'
( 'Au coeur des ténèbres')
Les sortilèges africains.
L'Afrique, comme un voyage métaphysique vers les sources.
L'Afrique de la folie barbare des hommes qui colonisent au nom d'une certaine idée du progrès.
L'Afrique de la chaleur, humide et poisseuse, celle qui fait sentir la mort.
Joseph Conrad a remonté le fleuve Congo en 1890 sur un steamer qui avait pour nom ' Le Roi des Belges' .
Le steamer Roi des Belges sur lequel navigua Conrad |
'La conquête de la terre, qui consiste essentiellement à la prendre à ceux dont la peau est d'une couleur différente de la nôtre et le nez légèrement plus épaté, n'est pas bien jolie si l'on y regarde d'un peu près. '
( Au coeurs des ténèbres)
Chasseurs d'ivoire dans le Congo belge (vers 1900) © Getty / Universal History Archive |
Villageois rassemblés au passage du Roi des Belges à Sankuru en 1888 |
Désir d'Afrique et faire ce que je dis.
'Il advint cependant que mon enthousiasme pour la géographie me valut les sarcasmes de mes camarades de classe lorsque, le doigt posé à l’endroit précis qui correspondait au milieu du coeur encore vide de l’Afrique, je leur déclarai tout de go que j’irai là. […] Cela ne devait pourtant pas empêcher, dix-huit ans plus tard, un vilain petit steamer à roue, dont j’avais le commandement, de se retrouver amarré contre la berge d’un fleuve africain.' ( Du goût des voyages 1924)
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