Joseph Conrad s'est toujours défendu d'être un écrivain de la mer.
Je pense que simplement, la mer lui fournit un lieu, un cadre conventionnel propice à la pratique de ses expériences d'écrivain - des expériences qui, sous toutes les latitudes, n'ont jamais qu'une seule finalité: sonder les mystères de l'âme humaine..
Tout à fait de même que le western - ou bien la tragédie grecque -possède son propre cadre conventionnel.
On peut bien évidemment choisir n'importe lequel de ces cadres conventionnels qui ne sont évidemment pas tous également fructueux. De même qu'en chimie, certains récipients à certaines conditions de température et de pression se révèlent, à l'usage, plus adaptés que d'autres pour provoquer ou accélérer les réactions espérées de la mise en place des réactifs adéquats.
Que va-t-il advenir si l'on place ensemble des hommes dans le tube à essai du palais d'Agamemnon, ou dans celui de la ville de Tombstone, dans celui du brick Bonito ou encore dans celui du brick Lightning?
Joseph Conrad en entomologiste. Avec une loupe, il scrute les mouvements des insectes qu'il a choisi d'étudier: les siens s'agitent sur le pont d'un bateau.
Voilà la scène que souvent il s'est choisie.
Qu'apporte donc la mer? Il faudra y réfléchir. Peut-être que certains de mes lecteurs ont leur idée sur le sujet?... Des lecteurs de Conrad, mais aussi de Jack London ou de Melville....
Je termine aujourd'hui par une phrase de Conrad qui est très chère à mon coeur, car elle me donne espoir - et c'est moi qui souligne:
' Mais je ne ressentais aucune appréhension. J'étais déjà suffisamment familiarisé avec l'Archipel. Une patience extrême, un soin extrême me permettraient de franchir la région des terres fragmentées, des brises fugitives et des eaux mortes pour qu'enfin je sente l'objet de mon commandement vivre avec la grande houle et s'incliner au souffle puissant des vents réguliers qui lui donneraient le sentiment d'une vie vaste et plus intense. La route serait longue. Toutes les routes sont longues qui mènent vers ce que le coeur désire. Mais cette route-ci, je pouvais la lire en esprit sur la carte, d'un oeil professionnel, avec toutes ses complications et ses difficultés; et pourtant assez simple d'une certaine manière. On est marin, ou on ne l'est pas. Et je ne doutais pas de l'être'
( Dans La Ligne d'Ombre, traduction de Florence Herbulot, tome IV Pléïade p 910)
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