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Les bateaux de Melville, de Conrad et de Jack London


C'est systématique: sur presque chaque image de Joseph Conrad, on prend grand soin de placer un bateau en arrière-plan.

Joseph Conrad et les bateaux.


Au début, bien sûr, j'avais tendance à ne pas le prendre au sérieux.
Joseph Conrad en écrivain spécialiste de la vie maritime.
Des histoires de mer, de bateau... De pirates, qui sait...
De la littérature d'aventures - peut-être même à la limite du livre pour enfants, à la Jack London...
Disons, pas de la grande littérature. Au mieux, du distrayant, du dépaysant...
L'auteur de 'Croc Blanc' a investi le Grand Nord américain avec ses traîneaux et ses chiens, et Conrad, lui, et bien il a les mers du sud avec ses marins et ses bateaux.
Avec un tel terrain de chasse, j'avais franchement du mal à croire que Conrad puisse égaler les plus grands...

Je voyais venir, gros comme une maison, de longues pages ennuyeuses décrivant les manoeuvres sur le bateau. Des pages bourrées de mots inconnus - nom de voiles, d'outils, verbes oubliés traduisant des actions bizarres entreprises sur le pont ou le grand mât... Des mots dont il faudrait avoir le courage d'aller, chaque fois, chercher le sens dans le dictionnaire... Et d'avance, les bras m'en tombaient...

C'est pour cela sûrement que j'ai tant tardé avant de me lancer... A cause de ces a priori idiots.
A priori au sujet de Conrad et des bateaux.
A priori général au sujet de Jack London: les chiens et les bateaux lui aussi....


Jack London


A l'époque, je n'avais lu ni 'Nostromo' ni 'Lord Jim'.
Ni 'le Loup des Mers', ni 'Martin Eden'.
Surtout, je n'avais pas lu 'Moby Dick'.


Melville, Conrad, London, comme une lignée de géants. Le grand-père, le père et le fils.


Herman Melville


Peu importe que l'action se déroule dans le grand Nord, sur le pont d'un baleinier de Nantucket ou à la proue du Patna, les grandes formes d'art vont toujours du plus simple à l'universel.

Dans ce blog, il sera donc forcément beaucoup question aussi d'Herman Melville (1819-1891) et de Jack London (1876-1916).


La citation du jour est empruntée à 'L'Agent Secret':
( page 78 tome 3 des Oeuvres de Joseph Conrad dans la Pléïade, traduction de Sylvère Monod)

L'agent secret Joseph Conrad, Miles Hyman, collection Futuropolis

'La voie des révolutions, même les plus justifiées, est pavée d’impulsions personnelles déguisées en croyances. L’indignation du Professeur trouva en elle-même une cause finale, qui l’absolvait du péché de chercher dans la destruction les moyens de satisfaire son ambition. Détruire la foi du public en la légalité, telle était la formulation imparfaite de son fanatisme sourcilleux ; mais sa conviction sous-jacente que la charpente d’un ordre social établi ne peut être effectivement ébranlée que par une forme quelconque de violence collective ou individuelle était précise et exacte. Le Professeur était un agent de la morale… ce point était bien établi dans son esprit. En jouant ce rôle d’agent dans une attitude d’impitoyable défi, il se donna les apparences de la puissance et du prestige personnel. Ce point était indéniable à ses yeux amèrement vindicatifs. Son agitation s’en trouvait calmée ; à leur manière, les plus ardents des révolutionnaires ne font peut-être pas autre chose que chercher la paix, comme le reste de l’humanité… la paix d’une vanité flattée, d’appétits repus, ou peut-être d’une conscience tranquillisée.'
La subjectivité toujours si prompte à se donner des airs d'objectivité.
L'éternelle histoire des hommes qui, au nom d'idées générales plus ou moins inattaquables, se drapent dans un confortable et plaisant manteau d'auto-satisfaction.
Joseph Conrad en grand connaisseur de l'âme humaine.

Verloc ( Toby Jones) à l'Observatoire de Greenwich ( série de la BBC 2017)


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